Depuis quelques années la chasse est interdite sur le territoire de la République et Canton de Genève. Pourtant une variante de ce sport est bien connue et souvent pratiquée par nos lecteurs: la chasse au tram ou à l’autobus.
Le chasseur de trams ou d’autobus, lorsqu’il pratique son sport favori a un comportement qui mérite d ‘être analysé et cette analyse, d ‘ailleurs, laisse une large place aux expériences de l’auteur.
L’équipement de chasse est varié, selon la valeur du gibier et… la bourse du chasseur. Cela va du smartphone aux appareils les plus sophistiqués, avec téléobjectif et autres gadgets incorporés.
Suivons maintenant un chasseur exerçant son sport favori. Vous le verrez indifférent à tout ce qui n’est pas sur les rails ou dans une voie réservée de bus. Ses narines frémissent et tous ses sens sont en éveil: l’oreille exercée est à l’affût d’un coup de sonnette ou d ‘un grincement de rail bien précis (malheur aux trams silencieux !). Ses yeux, du premier regard, évaluent la valeur du gibier qui se présente.
Il est rare, en effet, qu’un bon chasseur se contente du tout-venant. S’il est en chasse, c ‘est le plus souvent pour une « pièce » bien précise: tel type de voiture équipée d ‘une nouvelle livrée publicitaire, ou encore tel véhicule étranger à l’essai sur nos rails.
Notre trappeur tramophile ne sait pas nécessairement où se trouve sa cible. Il peut se munir d’un horaire pour augmenter ses chances et consulter frénétiquement une application qui permet de suivre les horaires en temps réel et évaluer le moment du passage de sa cible. Mais rien ne remplace l’affut . C ‘est alors la recherche du bon endroit : éclairage, angle de tir. Notre chasseur ne pense plus qu’à une chose: son gibier, et cela lui fera souvent braver dangers et interdictions.
La longue attente commence: il voit défiler avec une moue de dédain le menu fretin, sans intérêt. Mais lorsque le gibier attendu se présente, l’activité redouble, ainsi que le suspens : il faut éviter les parasites et le chasseur se mettra dans une colère noire si une automobile, un vélocipède ou un simple bipède vient malencontreusement s’intercaler entre l’objectif et le gibier patiemment attendu.
Après le premier tir, le chasseur suit souvent son gibier à la trace. Smartphone en main, il évalue le temps qui lui reste pour déterminer un nouvel affût, en tenant compte de l’inversion du sens de marche, du mouvement du soleil, etc. Et le même scénario se répète, jusqu’à épuisement des munitions.
Tout fier, le chasseur pourra montrer son trophée à ses corréligionnaires ébahis, tel le pêcheur: » Un tram grand comme ça, et à sa première sortie !.. » En effet, les chasseurs de trams prennent maintenant l’habitude de se regrouper: la Suisse n’est-elle pas le pays des sociétés ? Cela leur donne l’occasion d’organiser de véritables safaris. Dans ce cas, le gibier est commandé d’avance et transporte souvent lui-même ses admirateurs. Observez alors au traditionnel arrêt-photo, l’alignement remarquable des chasseurs et le crépitement quasi simultané des obturateurs. Et malheur à l’individualiste qui, à la recherche d ‘un angle original, se trouve dans le champ de tir ! Un hurlement général a tôt fait de le ramener dans le rang !
Le chasseur de trams est à l’aise partout: quelque soit la ville où il opère, c ‘est la même fièvre, la même ambiance qui le prend aussitôt. Inutile de préciser qu’il s’agit là d ‘un sport complet, praticable de 7 à 77 ans et plus, à condition de pouvoir, à l’occasion, piquer une petit 100 mètres ou tenter une escalade plus ou moins périlleuse. Mais surtout, il faut une bonne dose de patience et de temps libre. Alors, chers amis chasseurs de trams, il ne me reste plus qu ‘à vous souhaiter…. bonne chasse !
Texte de « JML »